Les risques psychosociaux
A partir du sujet développé lors de notre conférence du 05 mai 2009

La prise en compte actuelle des risques psychosociaux et donc la souffrance au travail nous interpelle à plusieurs niveaux.
En premier lieu, pourquoi maintenant, alors que le travail existe depuis toujours et comment cette souffrance est elle provoquée?
Question à réponses multiples que nous allons approcher dans cet article.
En premier lieu, l'évolution de la culture des organisations nous fournit des éléments de compréhension importants. La culture se génère en grande partie pour répondre aux exigences de l'environnement. Les organisations se structurent et organisent leur mode de relations en fonction de leur époque, de l'économie du moment mais aussi des technologies existantes et bien sûr de l'histoire de la population de ses valeurs et de ses croyances.
Et concernant notre sujet, dans le but d'être succinct et explicatif, nous distinguerons quatre stades principaux à cette évolution:
1) Le stade artisanal
Il se développe dans un environnement limité, homogène et relativement stable. En effet, les transports et déplacements complexes cantonnent les personnes sur leur lieu d'habitation (voir de naissance) avec peu d'échanges externes donc des besoins à satisfaire sur place. De là une homogénéité des besoins de la population et une stabilité puisque l'on vit au rythme des saisons avec des rituels prévisibles et très bien connus de tous Les métiers sont clairement identifiés et répondent aux besoins des populations. L'organisation est ritualisée, hiérarchisée laissant peu d'autonomie aux individus mais leur assure une relative sécurité psychologique par une très faible responsabilité et absence de compétition. L'esprit de caste et la forte pression du groupe permettent une autonomie uniquement liée à la compétence qui s'obtient en grande partie grâce à l'expérience. La mobilité professionnelle est quasi inexistante. C'est alors le client qui se trouve en position de demandeur face au professionnel. La souffrance au travail existe mais elle est essentiellement physique et vécue comme une fatalité inhérente au travail lui même.
2) Le stade industriel
Le machinisme va bouleverser la stabilité des rapports sociaux dans l'entreprise. L'importance de la production, sa rentabilité accrue grâce aux techniques nouvelles va créer de nouveaux rapports entre les personnes dans le travail. Les ateliers de plus en plus grands avec un personnel de plus en plus important amène une distance dans les communications et l'apparition d'une culture de classe avec les premiers mouvements sociaux. C'est dans ce contexte que Taylor va introduire une nouvelle organisation du travail où l'entreprise demeure un système fonctionnel d'informations et de décisions. Le plus grand nombre de personnes est dessaisi de toute possibilité d'initiative, l'autonomie est alors liée à la technicité. Organisation très bien décrite et mise en scène dans le film de Charlie CHAPLIN « Les temps modernes ».
3) Le stade des relations humaines
Prend naissance en 1926 suite à la célèbre expérience menée par Elton MAYO à Chicago, où finalement la difficulté à programmer les individus apparaît de façon flagrante. Le management devient participatif, l'environnement social de plus en plus important. La gestion des organisations est confiée à des « pilotes » plus ou moins habiles, mais ce courant sera favorisé -.surtout après la deuxième guerre mondiale – par la consommation de masse et une économie en progression constante.
4) Le stade décisionnel
Le premier choc pétrolier donne le point de départ d'un renversement de situation. Les divers problèmes économiques qui suivent, accentuent le phénomène d'instabilité et d'insécurité. Les chaînes causales de plus en plus complexes créent une impossibilité de prévoir sérieusement à moyen et long terme. La rapide avancée des technologies, si elle apporte de façon indéniable des possibilités inimaginables jusque là, remet en cause les connaissances acquises dans les études initiales et l'expérience du savoir faire. De plus, dans ce contexte de mutation rapide et de mobilisation sur projet la main mise sans cesse grandissante du pouvoir technocratique qui freine de façon très sensible les possibilités d'actions, empêche le développement harmonieux des personnes dans leurs responsabilités professionnelles. Que ce soit dans le secteur public ou privé, nous entendons de plus en plus la litanie de ceux qui se trouvent confrontés pour agir, à des charges administratives hors de leurs compétences et de leurs centres d'intérêts, en perpétuelle augmentation. Ce dernier point semble important puisqu'il contraint les acteurs à des charges de travail très importante mais non désiré et pour lesquelles ils ne possèdent qu'une compétence plus ou moins limitée. Il résulte de tout ceci une violence accrue, une inquiétude sur l'avenir, sur la valeur et la pérennité des compétences propres, voire des motivations et ambitions.
En résumé,
Les bouleversements extrêmement rapides et importants de ces 25 dernières années provoquent une instabilité très forte pour les personnels sur 3 niveaux: Sur le plan technologique, source de progrès indéniables et en même temps d'inquiétude sur les compétences acquises. Sur le plan économique, puisque nous sommes dans une compétition sans cesse plus difficile sans en maîtriser toutes les données et sur le plan du handicap causé par la technocratie, qui entrave de façon grandissante le pouvoir d'action et de réaction dans l'environnement.
Bouleversements sociaux source de stress qui conduit les salariés, cadres ou non cadres à se poser intuitivement les questions : « Qui suis je? » et « A quoi je sers? », « Quel est mon avenir, mon devenir? ».
Face à toutes ces mutations, les structures, qu'elles soient publiques ou privées, ne peuvent apporter seules toutes les solutions.
Elles ont pourtant toujours la possibilité : ➢ D'en apporter une partie ➢ De demander une intervention externe pour guérir, ou mieux encore prévenir, les risques psychosociaux.
Les sources de risques psychosociaux, de mal être donc de stress sont nombreuses et peuvent provenir, tant des structures que des personnes elles mêmes du fait d'une évaluation plus ou moins erronée des réalités et de l'environnement. Il faut pourtant noter qu'une vue réaliste et déterminée des réalités, ne peut à elle seule garantir contre les risques et ni donc contre le stress qui en découle, mais elle peut au moins prévenir certaines situations et mieux se préparer à les affronter.
LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX
A- DANS LES STRUCTURES
1) Les restructurations Si elles sont souvent nécessaires ou tout simplement utiles stratégiquement, elles sont toujours source importante de stress pour les salariés. Non seulement la perte d'emploi et donc de revenu en elle seule a de quoi inquiéter, voire angoisser. Mais de plus et souvent c'est la personne dans son intégrité qui est remise en cause, comme ces salariés, dont la compétence est reconnue, dont l'investissement au cours des années a toujours été démontré et qui apprennent que l'on n'a plus besoin d'eux du fait de stratégies d'entreprise, certes logiques, mais obscures pour eux, et sur lesquelles ils n'ont pas de pouvoir. Cette atteinte à l'image de soi est particulièrement difficile à vivre qui en plus d'une situation financière précaire, annule d'un seul coup des années d'investissement.
2) Le double ou multiple pouvoir Rencontré de plus en plus fréquemment du fait de la diversité des organisations pour répondre aux besoins de l'environnement, ce double ou multiple pouvoir se retrouve lorsque plusieurs corporations se regroupent au sein d'une même structure comme c'est le cas dans les organisations médicales, pharmaceutiques, éducatives et autres dans lesquelles chacun a ses règles, ses normes, et où les exigences sont différentes comme dans la finance et dans la sécurité par exemple. Les salariés sont alors pris entre deux injonctions contradictoires sources de conflits qu'ils subissent sans pouvoir d'agir.
3) Manque d'évaluation Les évaluations absentes ou mal faites souvent associées à des primes ou augmentations faussent le jeu et rendent le repère des compétences quasi impossible, source de stress important.
4) Le blocage de l'évolution Quelque soit la raison, la faiblesse ou l'absence de perspectives créent forcément un désintérêt pour son travail et le rend donc pénible.
5) Les processus décisionnels Ces processus pas ou mal connus sont de fait peu fiables et créent une incertitude et donc un stress dans la difficulté à orienter son action.
B- VENANT DES PERSONNES
1) Les compétences supérieures à l'emploi occupé posent automatiquement la question pour la personne de sa véritable valeur. Non utilisées elles donnent l'impression, souvent réelle, d'une dégradation progressive de ses possibilités.
2) Les valeurs personnelles peuvent également entrer en conflits avec les valeurs de l'organisation comme c'est par exemple le cas dans de nombreuses structures ou la rentabilité ne fait pas toujours bon ménage avec l'aide à la personne.
3) Les centres d'intérêts ou l'évolution de la personnalité se trouve confrontée à une difficulté d'évolution professionnelle ou bien lorsque cette évolution, qui est un succès, demande d'assumer plus de tâches non motivantes que motivantes comme c'est le cas du personnel très qualifié promu à un poste de responsable.
4) Lorsque l'évolution personnelle est bloquée par la mise au « placard » ajournée ou différée.
5) Les problèmes familiaux rencontrés peuvent également même si officiellement différents avoir une influence négatives lorsqu'ils sont importants.
Ces multiples sources de difficultés rencontrés actuellement sont bien sur la cause constante de mal être au travail, de stress et de fait de conflits qui peuvent se situer à différents niveaux plus ou moins dangereux pour les personnes selon qu'ils portent sur une remise en cause des comportements ou de compétences, ou comme c'est fréquemment le cas bien plus grave, sur l'éthique ou la remise en cause de l'identité même qui débouche sur le conflit grave et le harcèlement.
Les conséquences de ces constats sont multiples et dans deux directions: D'une part pour la personne et d'autre part pour l'organisation elle même. Pour la personne parce qu'elles engendrent une dévalorisation de soi, à la dépression, aux maladies psychosomatiques et au renforcement d'attitudes négatives contre soi contre les autres. Pour l'organisation qui subit absentéisme, arrêt maladie, ambiance de compétition par destruction, climat de méfiance, et perte de productivité...
La grande question c'est : « comment s'en sortir? » à une question à double direction réponse à double direction.
Les stratégies individuelles qui passent bien sûr par le développement personnel, l'apprentissage de la gestion du stress, le renforcement de l'estime et de l'affirmation de soi et aussi la réorganisations des croyances parasites sur soi et l'environnement ainsi que des communications. Les stratégies de groupes par le développement des attitudes charismatiques de ou des leader(s), l'affirmation des valeurs de respect mutuel, le développement du travail en équipe...
Mais ne nous leurrons pas ces stratégies, par expérience nécessitent l'intervention extérieure pour le diagnostique comme pour l'accompagnement qui suivra tant pour la personne que pour la structure.
Pour les organisations, l'indispensable audit des risques psychosociaux et des mesures préventives et/ou comme c'est le plus souvent le cas des actions curatives. Les organisations encore peu au fait ne font souvent appel que devant la difficulté...
Pour la personne l'identification des tensions, qui selon l'origine et la puissance de la tension peut déboucher sur un accompagnement allant du simple bilan de compétence, ou de la réorganisation de projet professionnel à la gestion de stress voir la psychothérapie comme c'est le cas dans le harcèlement où les chocs émotionnels forts.